Fribourg : Le château de Delley (auf deutsch)


Autres vues aériennes de Delley

L’origine de la construction d’un bâtiment à l’emplacement actuel du château de Delley remonte probablement au XIIIe siècle, époque à laquelle il est fait mention pour la première fois du fief d’Asnens, dépendant du chapitre de la cathédrale de Lausanne.

Le village d’Asnens, ou Agnens aujourd’hui disparu, était situé sur le mont Vully entre les villages de St-Aubin, Missy et Portalban au bord du lac de Neuchâtel. Le 22 août 1239, dans l’octave de l’Assomption, le chapitre de Lausanne inféode le fief d’Asnens en faveur du chevalier Pierre Ier d’Asnens, beau-frère de Girard de Rochefort, bourgeois et maire de Neuchâtel en 1230. C’est à partir de Pierre Ier d’Asnens, cité de 1239 à 1268, que l’on peut dresser une généalogie ininterrompue des seigneurs d’Asnens, qui prirent le nom de Portalban vers 1300, puis celui de Delley un siècle plus tard.







Dans sa conquête du Pays de Vaud, le comte Pierre II de Savoie (1203-1268) fait construire des tours fortifiées et des châteaux sur le versant sud du lac de Neuchâtel : Yverdon, la Tour de la Mollière, Estavayer, Font, Delley, Cudrefin, etc. Sous le régime féodal, les dirigeants occupent une place bien déterminée dans l’édifice politique régional. La seigneurie d’Asnens, puis de Delley, passe tout d’abord dans la seigneurie de Chenaux, puis en 1428 dans celle d’Estavayer-Chenaux sur ordre du duc Amédée VIII de Savoie (1383-1451), et le 15 février 1563 la seigneurie est condamnée à rendre hommage à LLEE. de Fribourg.

La seigneurie de Delley est divisée par des partages de famille entre les descendants du nom, qui vendent leur part (1/8) à Pierre de Molin, donzel d’Estavayer et l’autre 1/8 à sa veuve, Isabelle Maillard, selon acte du 11 mars 1556. La branche cadette, représentée primitivement par Jacques de Portalban, cité dans des actes de 1316 à 1336, se fond par mariages dans les familles de Chastonnay, de Fernay, puis de Villarzel en 1510. Jean-François de Villarzel, dernier de la famille, est cité seigneur de Delley, coseigneur de Sepey et de Bressonnaz, mayor et châtelain de Lucens, en 1668. Il est enterré cette même année en l’église de Curtilles.

C’est en 1675 que la seigneurie de Delley se trouve réunie dans les mains de noble Judith Dumoulin (de Molin), veuve de noble Daniel Fivaz, médecin de Payerne. Judith Dumoulin vend selon l’acte de 1679 la seigneurie de Delley à Magnifique et Généreux Mons. Nicolas de Castellaz du Grand-Conseil de la Ville et République de Fribourg, capitaine au service de Sa Majesté T.C. le Roy de France.

La branche des Castella de Delley conserve la seigneurie jusqu’à l’abolition des droits féodaux, puis la propriété du domaine agricole, pendant trois siècles, jusqu’en mars 1983, date à laquelle le château est vendu à la Fédération Suisse des Sélectionneurs, vouée à la recherche dans le domaine des semences.

L’évolution architecturale des bâtiments

Les plans de la construction primitive du château, lors de l’acquisition de la seigneurie de Delley par les Castella en 1679, ne nous sont pas connus. La partie centrale du bâtiment actuel fut entièrement remaniée par les fils de noble Jean Castella (1623-1701), originaire de la Gruyère, et d’Anne-Marie de Montenach fille de l’avoyer de Fribourg, Jean-Daniel de Montenach (1588-1663). Jean Castella est le troisième de la famille à être reçu dans la Bourgeoisie secrète de la ville de Fribourg en 1645, lors de son élection au conseil des Deux-Cents pour le quartier des Places. Il fut bailli d’Orbe et d’Echallens en 1655 et passa 38 ans de sa vie politique au Conseil d’Etat, dans les fonctions de Commissaire général (1663), Grand-Maître des Munitions (1674), Trésorier (1680), Bourgmestre (1688) et Lieutenant-d’Avoyer de 1668 à sa mort en 1701.


C’est surtout son fils Jean-Antoine (~1655-1724), 3e seigneur de Delley, qui entreprit les importantes transformations du bâtiment primitif avec l’aide de son beau-frère l’architecte fribourgeois André-Joseph Rossier (1647-1715) propriétaire de Chenaleyers, auteur des plans de l’hôpital des Bourgeois à Fribourg. Il préside à la construction du couvent des Ursulines sur les plans d’un R.P. Jésuite de Lucerne. La restauration du château fut une réussite remarquable par l’équilibre de son architecture, la décoration intérieure, les boiseries, les plafonds en stucs représentant des allégories militaires et les proportions de la pièce principale du premier étage offrant une vue traversante sur le Jura et le lac de Neuchâtel au nord, et sur les Alpes depuis la façade sud.

Jean-Antoine Castella de Delley entre au service de France dans la compagnie franche levée par son père en décembre 1671, commandée par son frère aîné Nicolas (1647-1683) jusqu’en 1679. Jean-Antoine prend part à la guerre de Hollande, aux campagnes de Flandres, dont l’une des batailles les plus meurtrières fut celle du Mont-Cassel (avril 1677) remportée par la France contre les troupes du Prince d’Orange. Grièvement blessé lors de la prise de Cambrai sur l’Escaut en 1683, le capitaine Jean-Antoine de Castella de Delley fait le vœu de bâtir une chapelle à Delley en l’honneur de la Viège Marie et de Saint-Antoine de Padoue, son vénéré patron, vœu réalisé trente ans plus tard.

La compagnie Castella de Delley est incorporée dans le 4e régiment suisse, levé dans le canton de Lucerne par François Pfyffer de Wyher. Agé de 39 ans, Jean-Antoine de Castella de Delley prend le commandement de ce régiment avec le grade de Lieutenant-colonel. Il combat à sa tête dans la guerre de succession d’Espagne (1700-1713). Estropié par un boulet de canon, il doit quitter l’armée en 1706 avec le grade de colonel et la Croix de chevalier de l’Ordre militaire de St-Louis.

Rentré à Fribourg, Jean-Antoine est élu au conseil des Soixante pour deux ans, puis au conseil d’Etat où il siège pendant 16 ans. Il fut un diplomate très actif dans les négociations triangulaires entre la France, la Prusse et la Principauté de Neuchâtel lors de l’ouverture de la succession de la duchesse Marie de Nemours en 1707, comme en témoigne ses mémoires. Une conférence diplomatique se tient au château en 1718 pour le renouvellement du traité de Combourgeoisie entre Neuchâtel et les cantons catholiques de Fribourg, Lucerne et Soleure, mais l’élection du roi de Prusse en qualité de souverain de Neuchâtel fait échouer les négociations.

La chapelle qui se trouve dans le parc du château, est érigée dans l’esprit baroque espagnol par le même architecte André-Joseph Rossier en 1710. La façade porte les armoiries Castella-Boccard qui encadrent une plaque commémorative de la consécration de la chapelle, le 23 août 1711 par l’évêque de Lausanne, Monseigneur Jacques Duding, comte du Saint-Empire. Quatre fenêtres sont ornées de vitraux rappelant les membres vivants à cette époque des familles Castella de Delley et Boccard de Grangettes, cette dernière éteinte au XVIIIe siècle. Elisabeth de Boccard (1676-1760) s’était mariée en 1724, elle met au monde 14 enfants et sera veuve pendant 36 ans.

Ce n’est qu’en 1774 que le 6e seigneur de Delley, Joseph-Tobie-Nicolas-Ignace de Castella (1737-1815) entreprend la construction des ailes du château avec son cousin Charles de Castella (1737-1823), de la branche des Castella de Montagny, architecte militaire et civil, auteur de nombreuses constructions en ville et dans le canton de Fribourg, dont l’œuvre fut retracée dans une exposition du Musée d’Art et d’Histoire en 1994-1995.

Tobie de Castella de Delley fut un personnage haut en couleur par ses écrits, ses engagements politiques, la transformation de Delley, la plantation d’arbres d’essences rares et la création de jardins anglais et chinois, d’un ermitage, dessinés avec passion dans le parc du château. Comme ses oncles, il entra dans la compagnie Castella de Delley du 4e régiment suisse en France, que Fribourg attribua en 1756 au maréchal de camp Rodolphe II de Castella (1705-1793) de la branche aînée de Wallenried. Tobie rentre à Fribourg en 1767, il est membre du conseil des Deux-Cents et bailli de Surpierre de 1771 à 1776. Il est élu dans le conseil des Soixante pour le quartier des Places en 1787, membre de la Chambre des Orphelins et de celle du droit rural (1790) et Maître des Poids en 1792. Il reçoit le commandement du régiment d’Echallens, dont il fut colonel de 1784 à 1798, réélu en 1814.

Tobie Castella de Delley eut à affronter les remous politiques de deux révolutions : en France celle de 1789 avec la dissolution des régiments suisses en 1792, puis en Suisse celle de 1798 qui renversa l’Ancien Régime. De son mariage en 1771 avec Marie-François-Hyacinthe de Vevey de Bussy (1742-1823) ils ont quatre enfants.

Geoges-Antoine Castella de Delley (1779-1863) succède à son père comme premier propriétaire du domaine agricole. Par son mariage en 1824 avec Marie-Rose Marion (1802-1890) originaire des Friques, naissent deux fils et deux filles qui ont l’usufruit du château jusqu’en 1911, puis il est fermé. Ce n’est qu’en 1941 que le château reprend vie avec la venue du dernier propriétaire, Pierre de Castella de Delley, qui entreprend d’importantes transformations d’entretien, la fusion des deux domaines agricoles, la construction de logements dans la ferme de 1867 et la construction d’une stabulation libre attenante.

 







Le domaine agricole

Grâce au Grosse du fief (acte notarié), Censes et juridiction appartenant à Noble et Très honoré seigneur Nicolas-Albert de Castella, seigneur de Delley, rière sa Seigneurie du dit Delley. Par les Commissaires Bochud et Morel, en 1763, nous avons un relevé complet des superficies et des propriétaires qui payaient les droits féodaux à la seigneurie. Nous relevons par ordre alphabétique et par commune les noms de :

- Blanc, Berthoud, Cuany, Christinaz, Collomb, Dedelley, Dézardens, Fepher, Gaillard, Martin, Marion, Pury, Rubatel, Spilman & Thévoz pour Delley.

- A Portalban & Gletterens : Collomb, Cagnard, Crottet, Désardens, Dubey, Dedelley, Garry, Girard, Nassez, Pithon & Ramuz.

- Aux Friques : Bardet, Garry, Marion, & Michel.

- A Saint-Aubin : Baud, Bardet, Collaud, Dessibourg, Dedelley, GrandJan, Guillaume, Jominy, Marion, Messy, Perriard, Plancherel, Quillet, Ramuz, Raccaux, Rutty, Sansonnens, Torche, & Verdon.

- A Chabrey : Christinaz, Jaunin, Serment, Thomas & Vessaz.

- A Villard : Bardet, Braucoux, Barbey, Christinaz, Dessibourg, Deloseaz, Feguele, Jaunin, Monney, Musy, Stulman & Schräyer.

 

Un plan cadastral manuscrit de 36 planches, dessiné en 1766 par le Commissaire Bochud, confirme que la seigneurie était particulièrement morcelée. Le château sans les deux ailes est représenté sur la planche 8, avec le portail d’entrée, le jardin et la chapelle au sud, une remise et un puits à l’est. Certaines parcelles étaient de la grande Dîme de Delley (GD), d’autres de la Dîme de La Lance (DL), d’autres franches de lods ou mouvantes des fiefs de St-Aubin, ainsi que du Vénérable Chapitre de St-Nicolas du dit Fribourg.

A la mort de son père, Théodore de Castella de Delley (1831-1900) entreprend en 1867 la construction d’un bâtiment de ferme à l’est du château sur les plans de l’architecte Ad. Fraisse pour le prix devisé à Fr. 7830,40, dans lequel la maçonnerie représente 46%, le bois 25% et la couverture de 26'600 tuiles, 23%. Le domaine avait à cette époque une superficie de 1207 poses ou 44 ha. Le morcellement des terres entre le château et le lac était tel que l’on peut dénombrer près de 60 parcelles qui furent réunies patiemment en un seul mas par des échanges privés et des achats qui durèrent près d’un demi-siècle.

Le domaine fut cultivé par deux fermiers jusqu’à la vente du bâtiment du village en 1969. C’est alors que les deux domaines furent réunis en un seul, la ferme du château fut agrandie de nouveaux logements et d’une stabulation libre sur deux plans. La vente du domaine agricole à la Fédération Suisse des Sélectionneurs eut lieu en 1975 et celle du château suivit en mars 1983 avec son parc de 25'000 m2.

Pierre de Castella.

Le 9 janvier 1997.

 

Sources et Bibliographie

 


Ci-dessous des photos de l'intérieur du château vers 1981, "Copyright Archives de la famille de Castella de Delley: Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg"

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Bibliographie

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