Fribourg : Le château de Corbières (auf deutsch)

Corbieres
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Das Schloss in 1767 Herrliberger

Autres vues aériennes de Corbières

DES ORIGINES A LA DOMINATION FRIBOURGEOISE

En 1115, un document écrit mentionne pour la première fois Corbières, suite aux dons du seigneur de ce village pour contribuer à la fondation du prieuré de Rougemont.

Avant cette date, il n'existe à notre connaissance aucune trace, écrite ou archéologique, d'une quelconque occupation du site de Corbières. Paul Aebischer parle d'une voie romaine qui reliait la région de Fribourg à celle de Bulle et qui passait par Corbières, mais sans qu'on en connaisse le tracé exact. L'axe principal reliant Martigny à Avenches passant par Vevey et Moudon, il ne devait s'agir à Corbières que d'une petite voie secondaire profitant en ce lieu d'un gué pour traverser la Sarine. La date de 1115 permet de situer la fondation de la seigneurie de Corbières au XIème siècle, voire au début du XIIème. Il n'est toutefois pas impossible que le village existât déjà avant sans qu'il en reste de preuve.

L'exploitation de la " Montagnettaz " comme gravière en 1965, et en conséquence la destruction des restes du château qui la dominait, nous a sans doute ôté le seul moyen de connaître précisément la date de fondation de Corbières. Selon Albert Marie Courtray, les seigneurs de Corbières descendraient de Charlemagne lui-même, dont l'un des petits-fils, Lothaire, crée au 9ème siècle en Suisse occidentale un comté pour son fils illégitime Pépin. Celui-ci à son tour répartit son territoire entre ses descendants, pour en arriver au fief de Conon d'Ogo. Il semblerait que le fils cadet ou le petit-fils de ce Conon soit Guillaume Ier de Corbières, premier ou deuxième seigneur de Corbières. Cependant, tout ce qui se passe à Corbières avant 1115 constitue en quelque sorte " la préhistoire de ce village ", car aucun document écrit et pratiquement aucun vestige connu n'en parle. Ce qui précède cette date n'est qu'hypothèse.

La dynastie des Corbières se distingue par sa générosité envers l'Eglise. Le document de 1115, cité plus haut, confirme la donation par Guillaume Ier ou par son père, d'un pré à l'abbaye de Rougemont. Les fils de Guillaume Ier, Guillaume II et Létald, à l'exemple de leur père, se séparent de nombreuses terres au profit de l'abbaye d'Humilimont, fondée en 1137 par les sires d'Everdes. Ces deux même frères contribuent encore à la fondation de l'abbaye du lac de Joux. Perpétuant cette pieuse tradition, l'épouse de Guillaume II et ses fils Pierre et Jocelin cèdent à l'abbaye de Théla leurs droits dans la région d'Yverdon. Tous ces bienfaits traduisent une certaine richesse de la famille des Corbières, qui possède en effet d'assez vastes territoires. Ceux-ci s'étendent de la Roche au Nord jusqu'au Vanil Noir au Sud ; du col du Jaun à l'Est jusqu'aux rives de la Sarine à l'Ouest et même jusqu'à Vuippens. Cependant, en 1224 ou 1225, ce dernier se détache de Corbières pour former une nouvelle seigneurie indépendante avec sous l'égide d'Ulrich de Vuippens, fils de Pierre et frère de Conon. Les possessions des Corbières comprennent également des droits et des terres dans le Gros de Vaud, l'Intyamon, la Glâne, la Sarine , la Broye et même jusqu'en Valais et sur les bords du lac de Thoune. Corbières ne réunit évidemment pas tous ces biens sous sa bannière en même temps. Les changements de propriétaires sont nombreux. Il s'agit simplement de démontrer l'importance de leurs biens et le fait que les sires de Corbières ne se cantonnent pas dans leur région, mais contrôlent des terres loin à la ronde.

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En 1250, Corbières prête allégeance au comte de Savoie, qui sort victorieux de sa guerre contre le comte de Genevois. On peut en déduire que ce dernier était alors certainement le suzerain de Corbières avant cette date. Vers 1258 meurt Conon. Le partage de la seigneurie entre ses fils devient effectif. Girard reçoit Charmey, Richard Bellegarde et Guillaume Corbières. La séparation n'est pas aussi nette que celle de Vuippens une trentaine d'années plus tôt : Girard et Richard gardent leur nom de Corbières, auquel s'ajoute la qualité de sire de leur nouvel établissement, car les trois seigneuries possèdent encore des biens en commun. Cependant, cette décision affaiblit les trois nouvelles entités. De plus, à Corbières, la loi prescrit un partage entre tous les héritiers. De là naît le coseigneuriage, c'est-à-dire, la coexistence de deux personnes à la tête d'une entité commune. Vers 1326, les seigneurs de Corbières abandonnent leur fief : Mermet, coseigneur, vend sa part de la seigneurie au comte de Savoie Louis II, et Perrod de Gruyère, veuf de Marguerite, cède la sienne à son gendre Girard de Grandmont, époux d'Isabelle. Après Vuippens, c'est la seconde aliénation du domaine familial primitif.

1349 constitue une année particulièrement noire : La peste ravage l'Europe et n'épargne pas notre région, d'où une recrudescence des dons à l'Eglise d'Hauteville, qui forme une paroisse incluant la commune de Corbières. De plus une guerre sévit dans la contrée : les sires d'Everdes ont brigandé une bourgeoise de Fribourg de passage sur leur domaine; les concitoyens de la dame envoient des troupes pour obtenir réparation. Everdes et ses alliés, -Gruyères, Vuippens et Corbières,- résistent tant bien que mal, mais ne peuvent empêcher leur ennemi d'incendier et de détruire Everdes. Aujourd'hui un ou deux pans de mur témoignent encore de ce château. Quant à Corbières, ce n'est qu'au prix d'une amende de 300 florins d'or que les bourgeois obtiennent des Fribourgeois le lever du siège.

Durant la deuxième moitié du XIVème siècle s'éteignent deux branches de la famille de Corbières : premièrement l'aînée, celle du village d'origine, avec Mermet et Perrod comme derniers représentants, et deuxièmement celle de Charmey avec la petite fille de Girard I, Jeannette, qui meurt sans héritier en 1361 et qui lègue la plupart de ses biens à la Valsainte, fondée par son grand-père en 1295. En 1375, Corbières perd également la famille de Grandmont, suite à une sombre affaire de meurtre, relatée par Courtray. Pierre Gerbais, un riche banquier, en tant que trésorier du comte Amédée VI de Savoie, a affaire avec Hugues de Grandmont, le vassal de son maître. Hugues a un fils, Jean, né vers 1351 de sa première femme. Il épouse en seconde noce Isabelle de la Villette, vers 1371. Hugues et Jean mènent grande vie, à l'image d'une grande partie de la noblesse de l'époque. Pour financer leurs fêtes, ils empruntent beaucoup auprès de Gerbais et hypothèquent jusqu'à leur château. En 1373, Jean meurt. Les héritiers d'Hugues deviennent ses frères, sœurs, neveux et nièces. Hugues les déshérite secrètement au profit de son bien peu reconnaissant ami Gerbais, par un acte tout à fait légal signé le 31 octobre 1374. Quelques mois plus tard, en rentrant d'un repas chez Gerbais, Hugues et son domestique tombent gravement malades : après d'atroces souffrances, ils meurent tous les deux en septembre, à quelques jours d'intervalle. Quand Geoffroi, frère et héritier naturel d'Hugues, apprend le contenu du testament, il devient fou de rage et accuse Gerbais d'avoir empoisonné son frère, décédé dans des circonstances plutôt douteuses. Car il est vrai que Gerbais a d'excellentes raisons d'éliminer Hugues, dont il convoite la femme et les biens. Mais, pour l'instant, le trésorier d'Amédée est trop puissant pour espérer l'abattre. Cependant, les circonstances viennent au secours de Geoffroi :Gerbais est condamné à une lourde amende pour avoir falsifié ses comptes, ce qui affaiblit tant sa renommée que sa fortune. Geoffroi en profite, en octobre 1376 et avec l'aide de plusieurs amis nobles, pour attaquer Gerbais, qu'il accuse d'empoisonnement sur la personne de son frère.

Les hostilités ne mènent à rien et de toute façon Amédée VI impose la paix. Les deux partis portent alors leur conflit devant un tribunal. Vu les étranges circonstances de la mort d'Hugues de Grandmont, Gerbais est jugé coupable de meurtre. Mais la victime ayant légalement cédé ses avoirs à son futur meurtrier, il n'y a aucune raison de les confier au frère du défunt. Et en cas d'assassinat, le conte de Savoie confisque les biens du coupable ; il devient par la même occasion l'unique tête de la seigneurie de Corbières.

En 1390 Amédée VII accorde une charte à la bourgeoisie de Corbières, organisée en communauté dès le début du siècle. Il vend cette reconnaissance de droit pour 1200 florins d'or, somme importante pour l'époque. Une telle charte, malgré son prix, constitue un immense avantage pour la bourgeoisie. Elle conserve certes certaines obligations, comme la défense du bourg, mais surtout se voit affranchie du libre arbitre des seigneurs, avec lesquels elle codifie ainsi ses relations. Le seigneur doit désormais aussi respecter des règles, par exemple ne pas emprisonner de bourgeois sans le consentement du Conseil de la ville. En 1454, la Maison de Savoie vend Corbières, qui a déjà beaucoup perdu de son ancienne valeur, au comte François de Gruyères. En 1475, pour contrebalancer le pouvoir de leur nouveau seigneur, les bourgeois du village signent un traité de combourgeoisie avec la ville de Fribourg. Dans les années 1540, le comte Michel de Gruyères est accablé de dettes et il doit hypothéquer Corbières auprès de ses créanciers fribourgeois. Malgré de nombreux efforts, Michel est incapable de racheter cette hypothèque. Fribourg s'en saisit le 5 octobre 1553. Ce jour-là, les habitants de Corbières prêtent allégeance à leur nouveau maître, qui, en échange, reconnaît tous les droits et privilèges déjà en vigueur dans sa nouvelle possession.

Anecdotes: Si Girard réalise la plus grande œuvre des Corbières, le couvent de la Valsainte, les raisons qui l'y conduisent ne sont pas des plus nobles, puisqu'il tient par là à effacer sa volage jeunesse, de laquelle naissent ses deux fils naturels, tout de même légitimés par l'Empereur Rodolphe de Habsbourg. Nous ignorons si la générosité du sire de Charmey reflète la sincérité de son repentir ou l'ampleur de ses fautes.

Il est intéressant de citer une petite anecdote pour illustrer le fait qu'à l'époque, passer d'une seigneurie à une autre correspondrait aujourd'hui plus ou moins à passer d'un pays à un autre, : en 1495, deux Charmeysans condamnés pour meurtre trouvent refuge à Corbières, donc sous une autre juridiction, ce qui leur assure l'impunité, l'extradition n'étant alors sans doute pas très pratiquée.

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DU XVIème AU XIXème SIECLE

Dans son rapport de 1556 , le premier bailli de Corbières, Bartholomé Renault, décrit le village comme ruiné. Il obtient le droit en 1560 de restaurer le château afin d'y loger. Si Corbières rétrograde à cette époque au rang d'un tout petit village, il conserve, et cela pour les quatre prochains siècles, un bien très précieux qui le servira beaucoup : sa renommée et le souvenir de sa grandeur passée. Ainsi, au lieu d'être supplanté par un voisin plus important, par exemple Vuadens, qui compte en 1647 96 hommes aptes au service militaire contre 26 à Corbières, ce dernier demeure le siège du bailliage, qui englobe Vuadens, Charmey et une partie de Broc. Bellegarde appartient déjà à Fribourg depuis 1504. La taille plus que respectable octroyée à Corbières par Thomas Schoepf sur sa carte géographique de 1578, par ailleurs la première apparition de notre village sur un tel document, confirme aussi l'éclat reconnu à Corbières. Accompagnant le destin de l'Etat qu'elle avait jadis fondé, la noble famille de Corbières s'éteint en 1576, avec le décès de son ultime représentant, Georges de Corbières. Personne ne se nomme plus dès lors " de Corbières ". Des nobles appauvris s'allient avec des roturiers : par exemple, la fille de Louis de Corbières, Clauda, épouse Ruffin Grimion de Charmey. Toutefois, la relative déchéance de Corbières ne l'empêche pas de donner naissance à un grand homme en la personne de Barthélemy Souvey. Né en 1577, il étudie à Milan puis à Fribourg où il devient jésuite, et enfin à Rome. En 1616, il enseigne l'hébreu, le syriaque, le chaldéen et le grec à l'université de Turin, et dès 1624, il obtient la chaire de mathématique, jadis occupée par Galilée lui-même, de la grande université de Padoue. Il meurt en 1629, âgé de 52 ans.

En 1619, Corbières, qui constitue une commune incluant Hauteville, et Hauteville, qui forme une paroisse incluant Corbières, décident de se séparer. Ils partagent leurs biens communs, à l'exception du bois et d'un pâturage, dont les revenus sont destinés à payer les deux curés.

En 1635, un événement comparable à celui qui, 260 ans plus tôt, avait secoué Corbières, se déroule dans le château où Pierre Gerbais aurait empoisonné Hugues de Grandmont. Le 10 janvier, le curial François Blanc se rend à un souper chez le bailli Jacob Wehrly. Au cours du repas naît une altercation entre le bailli et un autre convive, dont Blanc prend la défense. Wehrly saisit alors un couteau et frappe mortellement le curial. La femme et les huit enfants de la victime réclament naturellement justice pour ce crime gratuit. L'assassin a déjà quitté le pays lorsqu'il est condamné à l'exil perpétuel, sous peine de mort en cas de retour, à la perte de tous ses droits et à la confiscation de ses biens au profit de l'Etat. Peissard ne nous renseigne malheureusement pas sur une éventuelle indemnisation de la famille du défunt.

Depuis plus d'un siècle, un bac sert à traverser la Sarine, faute de pont. En 1640, pour favoriser les communications et le développement économique de la région, on décide de construire un nouveau passage fixe sur la rivière ; les travaux traînent, mais sont achevés en 1647, notamment grâce à l'imposition de 18 communes, de la Roche à Vaulruz et de Charmey à Avry-devant-Pont. Malheureusement, comme les précédants cités plus haut, le nouvel ouvrage subit les assauts de la rivière qui l'emporte. Ceci probablement avant 1669, année où un bac se retrouve à nouveau en service. Sans se décourager pour autant, un Corbeyran obtient en 1689 le droit de reconstruire un pont, en échange de la perception des droits de passage pendant trente ans. Il érige en fait plutôt une passerelle, dont le destin ne diffère pas de celui des précédents ouvrages : en 1720 on réinstalle l'usage du bac ! En 1726, la commune acquiert une maison à Villarvolard, la démonte, puis la transporte et la rebâtit pour y loger le passeur. Cette bâtisse s'appelle le " navé ", du latin navis qui signifie bateau.

La maison du " navé " a été une nouvelle fois démontée et recontruite au village. Elle appartient aujourd'hui à la famille de Georges et Marie-Thérèse Maillard.

En 1731, une histoire encore plus sombre que les deux crimes déjà relatés ci-dessus ébranle notre village. Il s'agit de la célèbre Catillon, de son vrai nom Catherine Repond, accusée de sorcellerie. Née en 1663, elle est donc âgée de 68 ans au moment des faits. Elle habite à Villarvolard avec l'une de ses deux sœurs, Marguerite, et vit assez pauvrement de mendicité ou de quelques menus travaux, notamment le filage de la laine à Berne, donc en terre huguenote, ce qui jette déjà une ombre sur la pureté de sa foi catholique. Elle arpente aussi le canton pour recevoir la charité, et mène ainsi un peu une existence de vagabonde. Des rumeurs de sorcellerie sur son compte poussent le bailli, Beat-Nicolas de Montenach, à ouvrir une enquête quant à la véracité de ces dires. En avril 1731, il interroge Catillon, en particulier sur l'origine de sa blessure au pied gauche, auquel manquent les orteils. Elle répond que, pendant son sommeil dans une grange au Gibloux, deux hommes et une femme les lui ont coupés. Ce fait intrigue le bailli qui pense trouver une explication à une aventure qu'il a vécu quelques temps auparavant. Lors d'une chasse au renard il blesse l'animal à la patte. Malgré les recherches, l'animal n'est pas retrouvé. Il imagine que Catillon, sorcière possédant la faculté de revêtir diverses apparences, était en fait ce renard volatilisé. Par conséquent, un mois plus tard, le 20 mai, la prison du château accueille sa nouvelle pensionnaire, Catherine Repond. Des habitants de Corbières et des villages alentours se présentent à la demeure baillivale pour proférer leurs plaintes contre la prévenue : on lui reproche sa méchanceté, sa mauvaise langue, son manque d'assiduité à assister à la sainte messe, et ses maléfices qui empêchent de faire du sérac et du fromage ou qui rendent malade le bétail, parfois jusqu'à l'en faire crever. On pousse l'extravagance jusqu'à lui imputer la mort d'un enfant, survenue pour avoir senti une rose offerte par l'accusée. Le premier interrogatoire se déroule le 4 juin, et Catillon maintient la même déposition que lors de l'entretien officieux d'avril. Deux ressortissants du Châtelard confirment d'ailleurs cette version : en automne 1730, ils ont trouvé l'inculpée blessée, traumatisée et accusant Jaques Pithon, habitant " La Mollaire ", de l'avoir attaquée. Il est vrai que Catillon confond les noms de Pithon et de Puro dans ses déclarations, mais le bailli ne prend même pas la peine de les vérifier et, insatisfait de la tournure du procès, soumet la malheureuse femme à la torture, moyen fort usité à cette époque pour faire, paraît-il, éclater la vérité. La technique utilisée consiste à suspendre dans le vide, par ses bras attachés dans le dos, la personne questionnée. A partir de ce moment-là, la pauvre vieille avoue tout et n'importe quoi, dans l'espoir de mettre un terme à ses tourments. Elle reconnaît commercer avec le diable, voler sur un balai, se rendre souvent au sabbat, et bien d'autres choses encore. Transférée à Fribourg, elle subit à nouveau la torture et confirme ses aveux. Malgré ses regrets, les juges la condamnent à mort le 15 septembre, acceptant seulement de la faire étrangler avant de la brûler. Nicolas Morard, dans sa conclusion, peine à croire la sincérité des accusations de Montenach, même si à l'époque on accorde beaucoup plus de crédit à des choses tenues pour totalement invraisemblables aujourd'hui. Il faut reconnaître que le bailli s'acharne particulièrement dans cette affaire, et qu'il manque singulièrement d'objectivité en ne tenant pas compte de données qui favorisent Catillon, par exemple le témoignage des deux habitants du Châtelard. On peut imaginer que le représentant de l'autorité fribourgeoise ne veut pas perdre la face: s'il reconnaît l'innocence de l'inculpée, il passe du rôle de pourfendeur du démon et des sorcières à celui d'agresseur d'une innocente victime inutilement torturée. Morard avance cependant encore une autre hypothèse: Catillon voyage beaucoup et elle connaît quelques personnes de haut rang, comme l'épouse du bailli de Gruyères, la nièce de celui de Corbières ou encore une patricienne bernoise chez qui elle travaille l'hiver. Peut-être connaît-elle ainsi, par le biais de ses relations, quelque fait susceptible de nuire au bailli, d'où la volonté de ce dernier d'éliminer un danger pour sa propre réputation. Mais sans doute ne saurons-nous jamais quelle hypothèse est exacte.

Outre les sorcières, on chasse aussi les bêtes féroces, qui peuplent encore nos forêts. En juin 1764, le bailli Balthasar Techtermann convoque les Corbeyrans pour une chasse au loup rétribuée mais obligatoire, car ceux qui tentent de n'y point participer reçoivent une amende.

Quelques Corbeyrans partent à l'aventure en choisissant le métier de mercenaire. Un seul d'entre eux apparemment y acquiert une certaine renommée, le major François Blanc mort à Paris en 1717. Les registres des hommes partis au service étranger n'étant pas particulièrement précis, en tout cas en ce qui concerne le simple soldat, puisqu'ils ne mentionnent que trois ressortissants de Corbières partis au service de la France. Jean Pasquier, Joseph et François Blanc quittent leur village respectivement en 1779, 1782 et 1784.

Dès 1789, quelques notables français trouvent refuge à Corbières : le comte Louis-Claude de Ravanel, reçu bourgeois de la ville en 1792 et des religieux, au nombre de 29 en automne 1794 . L'école bénéficie de leur savoir jusqu'en 1798.

Cette année là, dix-sept ans après l'échec de l'insurrection de Pierre-Nicolas Chenaux, le patriciat fribourgeois doit affronter une nouvelle et plus dangereuse menace. Les troupes du Directoire viennent de libérer le pays de Vaud. L'agitation révolutionnaire gagne les campagnes fribourgeoises, le comité patriotique de Bulle prend la tête de la rébellion, à laquelle Corbières se joint. Notre village comprend d'ailleurs un révolutionnaire patenté en la personne de Philippe Blanc, ancien soldat au service de France, qualifié de très dangereux et mis sous surveillance par les autorités fribourgeoises. Fribourg ne tarde pas à tomber devant l'assaut des armées françaises, appuyées par les volontaires vaudois et fribourgeois. Corbières, malgré sa petitesse, demeure encore à la tête d'une entité administrative en devenant sous-préfecture nationale. Puis en 1803, suite à l'Acte de Médiation qui modifie le régime de la Suisse, il se transforme en préfecture, composée de deux arrondissements pupillaires, l'un composé des paroisses de Corbières, Hauteville et Villarvolard, l'autre de celles de La Roche et Pont-la-Ville. Les chefs-lieux d'arrondissement étaient Corbières et La Roche.

Si aucun Corbeyran ne participe à la fondation de Nova Friburgo, l'un d'entre eux cependant part pour l'Amérique : Alexandre-Jean-Pierre Blanc, missionnaire en Louisianne, décédé des suites de la fièvre jaune en 1867 à l'âge de 36 ans. Avant cette date, Corbières devient en 1848 un simple village du district de la Gruyère, perdant ainsi les privilèges que sa seule notoriété ancienne lui valait depuis 1553. En 1885, Corbières compte 237 habitants et 46 maisons. Ce petit village, va à nouveau connaître un certain essor au 20ième siècle.

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LE CHATEAU

En 1850, l'Etat de Fribourg vend le château, où il n'y a plus de bailli à loger, à Elisabeth Bourknecht, bourgeoise de Fribourg. Après quelques autres propriétaires, des pères bénédictins transforment le château en couvent, où ils vivent de 1928 à 1959, année où ils le cèdent aux frères Angeloz. Le bâtiment est en piteux état, et Emile et Louis Angeloz entreprennent eux-mêmes sa restauration, petit à petit. Les deux frères, sculpteurs de leur état, entendent créer dans leur nouvelle demeure un foyer d'artistes, où eux-mêmes et leurs amis pourront exposer leurs œuvres. Ils fondent la galerie AEL, d'abord en compagnie du photographe Jean-Claude Fontana et du peintre Raymond Meuwly, puis avec l'aide d'un cercle de confrères toujours plus large. La presse de l'époque salue cette initiative bienvenue, qui pallie à la pauvreté du canton dans ce domaine. En effet, même à Fribourg n'existent qu'une ou deux galeries non permanentes. Corbières devient donc un centre artistique régional assez important. Mais l'aventure se termine après environ dix ans. L'importance des coûts d'entretien d'un tel édifice convainc Emile et Louis d'accepter l'offre d'achat d'un Irlandais, qui restaure entièrement sa nouvelle propriété. Cette dernière mérite en fait bien une remise à neuf. Les annexes et la première enceinte, aux côtés respectivement Ouest et Nord, datent du Moyen-Age. Par contre, le toit à bogo, le type des fenêtres aux encadrements peints, la façade peinte à rinceau de feuillages, les chaînes d'angles à queue d'arondes peintes font du corps de logis un bâtiment typique de la Renaissance dans notre région. Il vaut aussi la peine de signaler les armes de la Ville, de l' Etat de Fribourg et des baillis Castella et Montenach, représentées sur les façades Est et Nord.

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L'ARRIVEE DU LAC

En automne 1948, après l'achèvement de la construction du barrage de Rossens, le niveau des eaux commence à monter: la Sarine se métamorphose en lac de la Gruyère. Ce changement radical dans le paysage ne provoque pas un enthousiasme débordant ; on regrette la rivière et ses berges, si familières aux yeux des Corbeyrans. Surtout, 8 bâtiments disparaissent lentement dans les flots, au plus grand regret de leurs propriétaires. Le stand de tir, une grange située au-dessous du château, le chalet des Prévondavaux, les fermes de la Praz, de la Veyvela et du Moulin, de même qu'une quatrième ferme avec son four à pain sont ainsi engloutis. Pour compenser ces pertes, les EEF donnent aux personnes lésées soit de l'argent, soit une nouvelle maison, à chaque fois sur la base d'un accord à l'amiable. En matière de terrain, ce sont 184'675 m2 privés et 226'102 m2 communaux, soit un total de 410'777 m2 de champ, de pâturages, de prés, de terres improductives et de forêts qui sont noyés. Avec le temps, la nostalgie liée à la Sarine s'estompe et l'on apprécie les avantages du lac ; finalement, lui aussi est beau et il se prête à la pratique de la voile, de la pêche, du bateau, à la baignade, etc. C'est un argument touristique non négligeable.

Extrait d'un texte de François Blanc

Bibliographie

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